LE CURÉ SOUS L’ANCIEN RÉGIMEL’Église
encadre la vie des
chrétiens de
leur naissance jusqu'à leur mort par
l'intermédiaire des sacrements. Dans les paroisses, le curé sait lire et écrire. Il gère les biens de la paroisse. Il est qualifié pour tenir les registres, enseigner aux enfants, témoigner des événements vécus par la population : C'est l'ordonnance de
Villers-Cotterêts d'août
1539 qui institue la tenue de registres
et le dépôt d'un double au
greffe du bailliage ou de la
sénéchaussée : «les
annotiers des paroisses ont à tenir registre complet de tous
les décès, naissances
ou mariages selon jour et heure exacte que les français
devraient leur
déclarer,.. afin
que l'on sache en ce
pays qui y vivait et mourait». Cette tradition
administrative montre le poids de l’Église dans la
société de l'ancien régime. Un exemple de
contrat entre marchands Toulousains et le Recteur (ou Curé)
de la Salvetat
Saint Gilles[1] :«Le
30 mai 1569, le collège
Saint-Martial fut le témoin du contrat de fermage suivant.
Maître Bernard
Audric, recteur de la Salvetat Saint-gilles "en Gascoinhe" affermait
à Jean Ramboisson et à Jean Prieur, marchands de
Toulouse, tous les fruits
décimaux du bénéfice de la Salvetat,
sauf le "verroilh"[2] que le
recteur réservait pour son vicaire. Le contrat
était passé pour quatre années
et quatre récoltes et pour le prix et somme de cent soixante
livres par an,
payables en Toulouse aux termes archiépiscopaux». Les deux fermiers étaient tenus de payer toutes charges ordinaires et extraordinaires, comme sont les décimes qui leur seraient remboursés au terme de chaque Ascension. Le recteur répondait des cas fortuits comme l'archevêque le faisait pour ses fermiers : "et s'il
advenoit aulcun dommaige, les fermiers seront tenus de venir
démontrer ce
dommaige dans huictaine pour le faire extimer, et où et
quand, après le dommaige
extimé, ne s'en pourroient accorder, sera loisible aud.
Audric recteur de
reprendre le bénéfice à sa main en
payant auxd Ramboisson et Prieur fermiers
les loyaux découstements, dommaiges et
intérests..." Notes : Le prêtre de la paroisse n'est pas seul à enregistrer les événements, ainsi, en 1574, le Seigneur de Fourquevaux dans son "Discours au Roi du Comportement de ses sujets" mentionne l'occupation de La Salvetat Saint-Gilles par les Protestants [3]. [1] Archives
notariales 879, f° 85 )
UN PASSÉ GLORIEUXPLAIDOYÉ[1] POUR
L’ ÉRECTION DE LA CHAPELLE
VICARIALE EN SUCCURSALE Le 13 mai 1845, Mr Henry VIGNES, Maire de La
Salvetat, émet
le vœux que la chapelle vicariale de la
commune soit érigée en succursale (ou cure). Il expose au Conseil Municipal
toutes les raisons qui peuvent militer en
faveur de cette demande : « Considérant
que l'église de la Salvetat est une
des plus anciennes du midi de la France, que la cure comptait autrefois
et
depuis longtemps au
nombre des plus
importantes du diocèse de Toulouse puisqu'on la voit figurer dès
avant le XVIIe siècle parmi les
40 rectories formant l’archiprêtrées du
LHERM et qu'elle occupait le 12e
rang de
préséance dans les synodes de ce
diocèse, précédant les rectories de St
Lys,
Leguevin et Muret, aujourd'hui
archiprêtrés et doyennés, elle
était
à la même époque cure à la
collation de
l’archevêque qui tous les ans venait y faire une
visite
pastorale. C'est ce qui
résulte des anciens titres et notamment d'un document qui se
trouve dans les
archives du département de la HG et
est
intitulé : « rôle des
dignités abbayes, archidiaconnies,
archiprêtrées et rectories dont le
diocèse de Toulouse est composé et lesquels
sont obligés de se trouver aux synodes de
diocèse ». Considérant que l'église de
la Salvetat n' a pas cessé
d'être cure et de conserver son rang jusqu'à
l'abolition du culte catholique en
France et que ce n'est que par suite du malheur du temps et de
l'insuffisance
des ressources qu'elle doit de n'avoir point repris, lors du
rétablissement de
la religion, son ancienne position, et que ces causes ayant
heureusement cessé,
il est convenable et juste de faire jouir les habitants de l'antique
commune de
la Salvetat d'une partie des avantages religieux dont ils
étaient autrefois en
possession. Considérant que la Salvetat occupe une
position centrale
sur le plateau compris entre la vallée de l'Aussonnelle et
du Touch, et que
cette situation attire dans son église un grand nombre
d'habitants des communes
environnantes dont les habitations en sont plus rapprochées
que les églises de
leurs chef lieux, qu'ils y viennent habituellement remplir leurs devoir
religieux, ce qui rend plus considérable qu'il ne le
paraît le nombre de fidèles
auxquels l'église de la Salvetat est utile, et que ce motif
doit faire
disparaître l'objection que pourrait présenter la
petite population de la
commune, Considérant que depuis plusieurs
années les habitant de la
Salvetat se sont imposés de grands sacrifices pour
l'entretien, les réparations
et les embellissements de leur église, ainsi que pour
l'achat des ornements
servant à l'exercice et à la splendeur du culte,
qu'ils ont en 1834 racheté
l'ancienne maison curiale et
ses
dépendances, vendues en 1793[2] au profit
de la nation et que toutes ces dépenses ont
été faites de leurs propres deniers
et sans aucune subvention, ce qui doit être un titre
à la bienveillance du
gouvernement, Considérant que dans le désir
d'assurer une position
convenable au desservant, le Conseil Municipal vote chaque
année une somme
considérable et hors de proportion avec les minimes revenus
de la commune,
indépendamment des autres dons en nature que les habitats se
font un devoir de
fournir ; que les mauvaises récoltes de ces
dernières années et les
désastres dont ils ont été
affligés ont épuisé leurs ressources,
et qu'ils est
à craindre, dans la prévision de nouveaux
fléaux, que la commune ne puisse dans
la suite supporter de nouvelles charges, ce qui vu le modique
traitement accordé
à leur pasteur, pourrait priver ses habitants des bienfaits
de la religion, qui
est leur intérêt le plus cher, et auxquels ils ont
droit comme tous les autres
français, Considérant enfin que dans
l'état actuel des choses, la
position du desservant est toujours précaire et qu'il est
essentiel pour le
plus grand bien de la religion inséparable de celui de
l'état, que ses
ministres occupent une position indépendante et digne en
rapport avec les
fonctions élevées et si utiles qu'ils remplissent
dans la société, Émet le vœux à
l'unanimité que la chapelle vicariale[3]
soit érigée en succursale[4].
Ainsi fait et
délibéré à la Salvetat, ce
jour mois et an
que dessus et ont signé… » Tout est dit… La demande, renouvelée en 1855, n’a pas abouti ; l’église communale de La Salvetat est restée liée à la succursale (ou cure) de Léguevin. Aujourd'hui, la Paroisse dépend du Doyenné Sainte Germaine de Pibrac et est rattachée à la paroisse de Plaisance du Touch. Les documents recueillis aux archives diocésaines décrivent -à cette époque- un environnement rude, des pauvres gens soumis aux aléas de la paysannerie, un clergé souffrant, mal logé. Ils s'observent et cohabitent. Ils sont dépendants de l'Archevêque de Toulouse et aspirent à une vie meilleure. Extraits
de correspondances [5]: En 1835 - La cohabitation
étroite avec un homme
âgé, pourtant « enchanté de
loger son curé », et deux jeunes filles de 18 et
20
ans, est insoutenable pour Mr MARESTAING
qui «
s'oblige à se tenir dans
la plus scrupuleuse réserve ». Il ne
souhaite cependant pas être logé par
le Curé de Léguevin à 1h sur un chemin
souvent impraticable que se soit à cheval
ou en charrette. Il décrit ses paroissiens en ces termes :
« les pauvres
gens sont Duro Cervile et d'une ignorance effroyable ». Ce
que l’on pourrait
traduire par « taillables et corvéables
à merci, obligés de labourer, moissonner,
faucher, façonner la vigne, curer les fossés du
château, faire et entretenir
les routes. »
[6]
Le 11 Août 1866,
l’établissement d'un maître
d'école[7]
à La Salvetat et la construction d'une Maison
d’École face au Presbytère par la
Préfecture précipitent la rupture entre Mr DUCLOS ,
Curé de la Paroisse depuis 14 ans,
et Mr DELGAS, Maire de La Salvetat[8]
Mr le Maire demande un changement de prêtre à Mgr l’Archevêque. Mr DELGAS termine sa lettre ainsi : « Je termine, Monseigneur, en
vous déclarant que
l'intérêt de la religion et le repos de la commune
exigent l'éloignement
immédiat de Mr le Curé DUCLOS. Je ne puis entrer
dans d'autres détails mais
nous espérons, Monseigneur, que vous aurez pitié
de notre pauvre situation, eu
égard que de tout temps à la Salvetat on a
toujours bien aimé et chéri tous les
prêtres qui l'ont desservie et que vous accueillerez notre
humble demande». Au début de l'année 1885, l'Institutrice de l'école de La Salvetat-Saint-Gilles, Mme de LASSUS, écrivait dans sa monographie [9]: « La religion est essentiellement catholique et les exercices religieux régulièrement suivis. La moindre petite fête trouve les habitants réunis à l'église ; ils abandonnent volontiers leurs occupations journalières pour aller où leurs croyances les appellent. Malgré cela un peu de superstition se mêle à leur foi : ils croient facilement aux revenants, aux esprits, ils vont consulter le devin dès que leur enfant ou leurs bestiaux sont malades ».…/… Rencontre-t-il quelqu'un sur son passage, il le salue se découvrant et en ajoutant à son bonjour une adresse qui souvent a pour objet un être invisible (L'Ange Gardien) »[10] _______________________________________________________________________________________
[1]
A.D. - 1 NUM AC 5570 (p36)
[2] Tout ce qui le pouvait, dans l’église et le presbytère, fut
réquisitionné pour participer à l'approvisionnement au grand pont d'artillerie
de l'avancée des
Pyrénées. L'une et l'autre furent vidés..
[3]
La chapelle vicariale n’a,
pour quelques
uns de ses biens que l’usufruit, dont la
nu-propriété est attribuée
à la cure
(ou succursale) dont elle dépend.
Le traitement du vicaire desservant était initialement de 500 f l'an.
[4]
La succursale ou cure conserve la
nu-propriété des biens à elle rendus.
Le supplément de traitement du curé desservant était initialement de 300f
l'an.
[5]
Archives diocésaines :
Lettre de Mr
Marestaing à Mr l'Archevêque de TSE
[6] E.
ZOLA – La terre – 1887
[7] Les lois
Ferry
de la fin du XIXe siècle rendent l'école
laïque, obligatoire et gratuite. Les Hussards
noirs
sont des figures emblématiques
de cette époque. Luttant dans leurs « maisons d'école » contre une municipalité cléricale et le curé de la paroisse, ces instituteurs, inculquent aux écoliers les valeurs de la République par l'enseignement de l'histoire, de la morale et de l'instruction civique.
[8]
Note du
Secrétariat Gal Délégué.
(archives diocésaines)
[9] .Entre
1885 et 1889, les monographies
communales ont été rédigées
par les
directeurs des écoles primaires du
département, sous l'impulsion du
__________________________________________________________________________________________Conseil départemental de l'Instruction Publique.. Il s'agit de tableaux de la physionomie des communes à la fin du XIXe siècle, les monographies des instituteurs nous renseignent sur la situation géographique, la population, l'histoire, la vie économique et bien sûr l'enseignement [10] (archives départ. HG, cote BH br°306, Salvetat-Saint-Gilles (La), Extraits de la monographie communale par Lassus de, 1885. -10 p. : ill. noir et blanc ; 30 cm). |