DEPIQUAGE : Action consistant à séparer le grain de l'épi.

Avant de dépiquer, il faut récolter. Sans revenir au temps des faucilles et des faux maniées à bras d'hommes, ainsi que du fléau pour dépiquer ,  nous verrons les faucheuses, javelleuses, faucheuses-lieuses -tractées par la force animale ou mécanique- dont le nom indique bien la fonction : couper les tiges des céréales et restituer le tout sous forme d'une  gerbe liée pour les faucheuses-lieuses -les faucheuses et javeleuses se contentant de restituer des gerbes non liées, il fallait donc le faire à la main. Ces gerbes étaient regroupées à plusieurs adossées les unes aux autres (sizaines ou dizaines), droites, épis en l'air et formaient des rangées dans le champ. L'on viendra les chercher par la suite, une fois séches. Dans  notre région les gerbes étaient apportées à la métairie et entreposées sous forme d'une ou deux meules de gerbes, nommées aussi gerbières.


Il ne restait plus qu'à attendre la caravane de l'entrepreneur de battage. Elle se composait d'un trateur, d'une batteuse, d'une presse, d'un chariot à outils. Aussi, lorsque cet imposant convoi arrivait, était-il suivi par tous les gosses du village. Heureusement la circulation automobile était moins dense que maintenant. L'entrepreneur établissait son itinéraire en fonction du chemin à parcourir et de l'importance du travail à effectuer. Il débutait par une grosse métairie où il mettait son matériel en place, la veille au soir. Ce travail demandait du temps, alignement des engins pour l'installation des courroies les reliant, mises à niveaux à l'aide de gros crics et cales sous les roues car les cours des fermes n'étaient pas toujours d'une planéité absolue. Dès six heures du matin le conducteur du tracteur faisait des essais de fonctionnement -souvent le démarrage était laborieux- pendant ce temps  les futurs participants prenaient un solide petit déjeuner à base de pâtés, cochonnailles diverses, fromages et les fameuses sardines de baril, salées et séchées, le tout arrosé de vin ou de café à volonté.

Au coup de sifflet, hommes et femmes  gagnaient leur place. Sur la gerbière deux ou trois hommes à l'aide d'une fourche à  deux branches alimentaient le tapis roulant -lorsqu'il y en avait un- qui amenait les gerbes jusqu'à la personne chargée de couper la ficelle de la gerbe -souvent une femme-  celle-ci donnait la gerbe déliée à l'engreneur qui des deux mains séparait du mieux possible les tiges de blé avant des les enfourner dans la machine -c'était un poste assez dangereux- à l'intérieur tout un système faisait sortir le grain de l'épi -d'où la nécessité qu'il soit bien sec- des tamis, souffleries triaient et séparaient les grains des pailles et déchets (enveloppes des grains dites vannes ou balles, récupérées elles servaient ensuite à maints usages.). Le grain était récupéré dans des sacs au cul de la batteuse et une noria d'hommes, sacs sur le dos, par un escalier ou le plus souvent par une échelle, montait au grenier où les sacs étaient vidés sur le plancher bien propre.
 

La paille était expulsée à l'avant de la batteuse par d'imposantes dents, nommées demoiselles si mes souvenirs sont bons,  au mouvement alternatif, impressionnant lorsque l'on est gamin !  Au début cette paille était recueillie dans un monte-pailles de 3 à 4  mètres de long et  déversée au sol où deux ou trois spécialistes montaient la meule ou pailler (c'était à celui qui montait le meilleur pailler). Par la suite arriva la presse où compactée la paille sortait en balle  plus ou moins grosse. Ce poste était tenu par deux hommes : un ouvrier de l'entrepreneur de battage qui installe les aiguilles de fer  délimitant les balles et un aide -de l'autre côté de la presse- chargé de lui  retourner le fil de fer  introduit dans l'aiguille. Ce dernier poste n'était pas très couru. 

En effet, il était presque toujours sous le vent et l'on y "mangeait" et respirait toute la poussière. Il valait mieux avoir des lunettes et un foulard  pour se protéger. Toulousain en vacances, je suivais assez souvent la machine pour être avec les copains et copines et bien entendu le poste m'était le plus souvent réservé. Les balles de pailles récupérées à l'aide d'un crochet étaient ensuite constituées  en pailler, le plus souvent sous un hangar couvert.

 Le tout se déroulait le plus souvent par une chaleur étouffante, dans le bruit, la poussière, les pannes -ah !  qu'il était agréable le moment de répit lorsqu'une courroie sautait- il y avait aussi des pauses où l'on pouvait se désaltérer : canons de rouge ou blanc ou eau fraiche du puit -et oui, l'on pouvait la boire, alors sans crainte, cette eau fraiche et délicieuse.

Midi, le grand moment de la patronne de la métairie arrivait  -depuis l'aurore, aidée par des voisines, elle s'affairait-. Sur de grandes planches montées sur tréteaux, dehors le plus souvent, la table était dressée. Des bancs pour sièges. Ce matériel se prêtait souvent d'une métairie à l'autre. Une assiette, un verre, une fourchette, quelques couteaux pour les dames. Dans ces temps, un homme qui se respectait avait toujours sur lui son couteau. Après quelques ablutions rapides, un peu de pernod maison en apéritif, l'on attaquait les entrées : pâtés, saucissons et saucisse de foie maison, jambon -avec beaucoup de gras, il n'en était que meilleur- salades diverses, de tomates, avec oeufs, etc. Le traditionnel cassoulet ou mounjetado, -souvent la poule au pot ou le pot au feu-,  les rotis, les poulets dorés à point, des fois des ragoûts  ou blanquettes, avec du bon pain tiré de la miche de deux kilos et le meilleur vin de la ferme. Les fromages, beaucoup de cantal  très apprécié alors, puis les tartes maison. Enfin le café et son pousse-café. Ce n'était pas partout pareil, heureusement, mais il valait mieux que les convives gardent un bon souvenir  du repas. L'honneur de la métaire était en  jeu. Parfois une photograpie était réalisée.

Certains auraient bien voulu traîner un peu, surtout les jeunes qui tous ensemble s'amusaient et riaient de bon coeur. Hélàs, il fallait remettre ça  jusqu'à tard dans la soirée à l'heure du souper pris dans la même métairie où la suivante.

La journée de plus de 12 heures était épuisante et l'on n'avait pas besoin de berceuse ni de tranquillisant pour dormir. Le lendemain, il fallait  recommencer dans une autre ferme, ou la même, car à l'époque peu de personnes étaient rémunérées. L'on se rendait le travail d'une ferme à l'autre ce qui entretenait des relations conviviales.

De nos jours la campagne de moisson se déroule bien plus tôt, avec un matériel différent et peu de main-d'oeuvre. La grosse moissonneuse batteuse se rend directement dans les pièces à moissonner -d'une surface bien supérieure à celles d'autrefois- et réalise seule le travail effectué autrefois par toute une équipe. Seul reste le travail de la mise en botte ou en rouleaux faite à même le champ moissonné par une autre machine.  



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